Imam Ismaël Tiendrébéogo : « La planification familiale n’est pas interdite en Islam »

Ismaël Tiendrébéogo, plus connu sous le nom d’Imam Tiendrébéogo, est auteur, juriste, diplômé en management international Option affaires internationales. Entrepreneur, il s’y connaît également en gestion de projets et en conseil conjugal. Le Directeur général du Cabinet d’innovations, de conseils et de pratiques en ressources humaines (CICOP-RH) est assistant en coopération à l’Ambassade du Japon au Burkina Faso. Ce leader religieux qui intervient au Cercle d’études, de recherches et de formations islamiques (CERFI) manie les questions de sexualité comme les grains de son chapelet. Il a écrit un livre dans lequel il précise la position de l’Islam sur plusieurs aspects liés à la santé sexuelle et reproductive notamment des jeunes.

Burkina24 (B24) : Présentez-nous votre œuvre sur la sexualité du couple.

Ismaël Tiendrébéogo (Imam Tiendrébéogo) : En fait, l’idée est partie d’un mariage auquel j’ai assisté à Fada N’Gourma en 2007. Juste après ce mariage, un monsieur est venu vers moi. Il me dit, comme aujourd’hui c’est un jour spécial, qu’est-ce que tu me conseilles ? Et je me suis dit, ah tiens, effectivement, il n’y a rien dans notre contexte qui adresse la question de la sexualité dans le couple.

Je me suis dit, voilà une occasion d’écrire le livre. Et je l’ai intitulé « La sexualité du couple : Conseils pratiques pour une vie conjugale plus épanouie ». Le livre était à 200 pages lors de la première édition en 2008. La deuxième édition a eu lieu en 2012. Et le livre est passé à peu près 310 pages.

B24 : Quelle est la particularité de cette œuvre ?

Imam Tiendrébéogo : Au fait, le livre est subdivisé en plusieurs parties. Une partie « Prélude » pour planter un peu le décor au niveau du mariage notamment avec l’exemple du vélo. Ensuite, il y a l’expérience sexuelle dont l’importance des préliminaires, les douleurs possibles liées aux relations sexuelles, les pannes que l’on peut rencontrer, etc.

J’ai aussi abordé la question de la belle-famille dans le vécu du couple. Comme je le dis, le couple n’est pas un îlot. On ne se retrouve pas seuls au milieu de la mer. On vit toujours au milieu des gens. Donc, il faut songer à voir dans quelle mesure trouver un ancrage dans sa belle-famille, aussi bien du côté de la femme que de l’homme. J’ai aussi abordé, dans le livre, ce que j’ai appelé les poisons du couple.

Parce que quand on est dans le couple, il y a l’orgueil, les mauvaises compagnies, le fait de zoomer les défauts de l’autre, le fait de ne pas considérer les efforts de l’un ou l’autre, etc. Chaque couple est à part. Il est particulier. Chaque relation a son expérience à vivre. Donc, quand on veut dupliquer une expérience qu’on a vue ailleurs, cela peut amener des frictions au sein du couple. C’est sur ces aspects que le livre est bâti. Il y a certainement d’autres aspects dans le livre que je n’ai pas évoqués.

B24 : Dans l’œuvre, nous apprenons que des pratiques telles que l’excision et le mariage d’enfants ne sont pas recommandées par l’Islam. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Imam Tiendrébéogo : Parlant d’excision, la coupure du clitoris est strictement interdite en Islam. Lorsqu’il y a excision, même chez ceux qui ont une lecture qui leur permet de faire l’excision, ils savent qu’il y a un Hadith qui interdit absolument de couper le clitoris. Et le Prophète Mahomet (paix et salut sur lui) a précisé que « c’est une source de plaisir pour la femme et un bonheur pour les conjoints ».

Donc, c’est-à-dire qu’en coupant le clitoris, on prive la femme d’un organe essentiel à son épanouissement sexuel. C’est pourquoi le Prophète (PSL) a interdit que l’on coupe le clitoris. Et il a dit à la médinoise, que si tu insistes pour le faire, ne coupe que le capuchon du clitoris. Une fois, nous avons reçu un spécialiste sénégalais qui était venu pour la question de l’excision.

Donc, quand j’ai donné les deux points de vue de l’Islam, ceux qui disent de ne pas du tout toucher au clitoris, parce que le Prophète (PSL) n’a pas excisé ses filles, et ceux qui insistent à le faire. Et le monsieur a dit non, en réalité, le capuchon n’existe pas. C’est une vue de l’esprit, mais, en fait, c’est faux. Le capuchon existe effectivement. Pour synthétiser, l’excision n’est pas permise en Islam. Quand vous partez dans les pays arabes, vous n’avez pas ce que nous faisons ici comme barbaries.

“La femme n’est pas un colis encombrant”

Par rapport au mariage, il faut savoir qu’il n’y a pas un âge pour le mariage. Ce que l’on sait, c’est que dans le Coran, dans la Sourate 4, Allah dit d’éprouver ceux qui ont atteint la puberté avant de leur retourner leur héritage. Si c’était seulement une date, dès que la personne est pubère, on n’a pas besoin d’un test. Alors que dans le mariage, en plus de la gestion financière, il y a aussi l’éducation des enfants.

Donc, on va davantage insister sur la nécessité dans le couple qu’il y ait un niveau de maturité suffisant à la femme et à l’homme pour gérer matériellement le couple et également pour s’occuper de l’éducation des enfants. On ne peut pas être enfant et réussir ce double challenge.

Vous allez voir que, dans certaines coutumes, on estime que la femme ne doit pas voir deux fois ses règles avant d’être mariée. Ce n’est pas islamique. La femme n’est pas un colis encombrant. C’est une personne humaine qui a des attentes, des aspirations, qui attend de trouver le mari qui correspond à l’idée qu’elle se fait de la vie. La pratique de l’excision et du mariage d’enfants constituent des nuisances. Il faut absolument que cela s’arrête Inch’Allah.

B24 : Alors, quid de l’amour oral, un sujet également évoqué dans votre ouvrage ?

Imam Tiendrébéogo : Pour ce qui est de l’amour oral, c’est-à-dire entre conjoints, le principe en Islam c’est la liberté. Dès que l’on est marié, les deux seules barrières que je connaisse, c’est premièrement l’interdiction de la pénétration anale. Donc, la sodomie est interdite.

La deuxième interdiction, c’est la pénétration vaginale pendant le cycle menstruel. Pour répondre à votre question, quand on parle de rapport sexuel, il n’y a pas que la pénétration. Il y a aussi l’amour oral.

Et l’amour oral peut être l’excitation par la bouche de la femme de l’organe masculin ou par la bouche du mari de l’organe féminin. C’est la fellation ou le cunnilingus. L’Islam n’a pas légiféré sur ce point.

Ce que l’on peut dire, si c’est dégoûtant, l’Islam nous interdit d’imposer cela à quelqu’un. Parce que la sexualité épanouie, c’est une sexualité qui plait à deux.

L’un des conjoints ne doit pas devenir un objet pour l’autre. Il faut aussi savoir que ni le sperme, ni les sécrétions vaginales ne constituent des impuretés islamiquement.

Dans la pratique cependant, il y a des risques de cancer de la gorge. Si l’un des conjoints en souffre, comme dit, en Islam, il est interdit de se nuire ou de nuire à autrui.

Voilà pourquoi, avant de rentrer dans la vie conjugale, les conjoints doivent faire un minimum de visite prénuptiale et des examens sanitaires.

B24 : « Chéri (e), c’était comment ? » C’est une question qui revient fréquemment dans votre livre.

Imam Tiendrébéogo : En fait, il est important de s’écouter entre conjoints à l’issue des relations sexuelles. Parce qu’il y a souvent des positions sexuelles qui peuvent procurer plus d’épanouissement sexuel à l’un ou à l’autre des conjoints. Et il est bon que le (ou la) conjoint (e) d’en face le sache. Il peut aussi arriver que des positions soient douloureuses.

Il faut qu’il y ait cette communication pour essayer d’améliorer les relations sexuelles à venir. Le Prophète (PSL) a dit : Que l’un de vous n’aille pas à son épouse comme le coq va à la poule. Pour autant, l’Islam interdit que l’on soit dépravé en évoquant le sexe avec des inconnus. Mais, de l’autre côté, l’Islam encourage les conjoints à ne pas considérer le sexe comme tabou dans le cadre du mariage.

B24 : En quoi la bonne sexualité du jeune couple est-elle importante pour la société ?

Imam Tiendrébéogo : C’est important à plusieurs niveaux. Premièrement, la sexualité est un exutoire des tensions. Le fait de se sentir désiré, le fait de se savoir capable de donner du plaisir à autrui donnent au conjoint un sentiment de confiance en soi. Déjà psychologiquement, c’est une bonne chose.

Deuxièmement, en satisfaisant, dans le cadre du mariage, cet instinct sexuel qui est en chacun de nous, ça permet de préserver la société de la dépravation des mœurs.

Troisièmement, c’est le canal par lequel il y a des liens entre les familles. Le mariage bien fait, autour d’une vie sexuelle épanouie, va davantage lier les conjoints, et lier leurs familles. Quatrièmement, c’est le seul moyen par lequel on peut se reproduire d’un point de vue islamique. Autant d’éléments qui montrent que la sexualité est très importante en Islam.

B24 : A lire votre ouvrage, la planification familiale n’est pas interdite par la religion musulmane.

Imam Tiendrébéogo : Bien sûr que la planification familiale n’est pas interdite en Islam. Car, par la planification familiale, l’Islam entend l’espacement des naissances entre un (e) enfant et son petit frère ou sa petite sœur. Les maternités rapprochées peuvent être nocives pour la santé de la femme. Pour cette raison, l’Islam encourage l’espacement des naissances. Et quand vous prenez le Coran, Allah a dit que l’allaitement, c’est deux années complètes. On sait maintenant que l’allaitement est une méthode contraceptive naturelle.

L’Islam autorise les méthodes contraceptives pour peu qu’elles ne soient pas nocives, qu’elles ne soient pas irréversibles et surtout que l’intention ne soit pas de limiter les naissances. C’est-à-dire que ce n’est pas permis islamiquement à quelqu’un, le jour de son mariage ou à l’occasion de la première grossesse, de dire que je veux deux enfants ou je veux trois enfants.

On doit espacer pour préserver la santé de la maman. Mais, il n’est pas permis d’emblée de dire je veux tel nombre d’enfants. Sauf dans des cas, où la survie de la maman en dépend. Dès que la question de la santé ou de la survie de la maman dépend de sa non-grossesse, en ce moment, l’Islam va interdire à la femme de tomber enceinte. Parce qu’il est interdit de se suicider. En dehors de ça, la contraception peut être admise.

B24 : Nous sommes pratiquement à la fin de l’interview. Quels sont les cinq conseils importants, en matière de vie sexuelle et reproductive, que vous donnerez à un jeune couple qui se présenterait devant vous ?

Imam Tiendrébéogo : Le principal ciment de la vie de couple, c’est la spiritualité. Le deuxième ciment, c’est la vie sexuelle épanouie. Le troisième conseil que je vais donner, c’est la complicité dans les centres d’intérêts communs et ne pas exagérer dans la sexualité.

Ni en trop, ni en moins. Il faut rester dans la moyenne, en fait. Très souvent la multiplication des relations sexuelles peut révéler un trouble psychologique notamment l’hypersexualité. En quatrième position, ne pas négliger la belle-famille parce que ce sont des stabilisateurs. Et cinquièmement, c’est d’avoir un couple tuteur.

Source:Burkina 24.com

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